Le Club des Affaires en RNW e.V. a invité le 22 septembre 2022 des représentants de l’industrie de l’armement, de la Bundeswehr et de l’armée française à un débat.
L’industrie de la défense et de la sécurité est sur toutes les lèvres, dans les médias et dans les débats, surtout ces jours-ci. En France comme en Allemagne, ce secteur a une grande importance économique et un grand potentiel. Mais elle est aussi régulièrement controversée, en particulier en Allemagne.
C’est la raison pour laquelle le Club des Affaires en RNW a eu envie de se pencher sur les défis de ce secteur et d’inviter fabricants et utilisateurs à discuter.
Nous avons ainsi pu accueillir au club industriel de Düsseldorf des officiers de la Bundeswehr et de l’armée française, ainsi que des représentants de la société Rheinmetall AG, implantée à Düsseldorf depuis 130 ans.
Les représentants de la Bundeswehr et de l’armée française étaient nos invités en tant que connaisseurs expérimentés du sujet, mais pas en tant que porte-parole des armées respectives des deux pays. Ainsi, les déclarations et points de vue cités ci-dessous représentent leurs appréciations respectives privées et non des positions officielles.
Dr Georg Jaster, qui a animé cette table ronde, a commencé par fixer l’objectif suivant : “Aujourd’hui, nous voulons apprendre à mieux comprendre ce secteur”.
La soirée débat s’est terminée par un dîner pendant lequel les échanges ont pu se poursuivre.
Nous remercions nos intervenants (Dr. Charles Philippe Graf Dijon de Monteton, Rheinmetall AG, Monsieur Volker Voss et Monsieur Leon Evers, commandement du soutien naval, Wilhelmshaven ainsi que Monsieur Brice Simon, Lieutenant-colonel (armée de terre) et vous invitons à lire le résumé de la soirée en cliquant sur le lien suivant.
Résumé de la soirée
Coopération européenne des producteurs
Le Dr Charles Philippe Graf Dijon de Monteton, responsable du développement commercial de Rheinmetall à Bruxelles depuis 2017, a immédiatement mis en évidence une contradiction centrale. Certes, il est clair pour tout le monde que nous devons nous rapprocher en “Europe dans le domaine de la défense et de la sécurité”. Mais dans la mise en œuvre pratique, des problèmes considérables se posent. Ainsi, par exemple, le projet actuel “Future Combat Air System (FCAS)”, un nouvel avion de combat destiné à succéder à l’Eurofighter, serait menacé d’abandon en raison de différends entre les partenaires Airbus et Dassault.
La volonté politique est en tout cas présente. Le fonds de défense, déjà définitivement adopté par le Parlement européen en avril 2021 et doté d’environ 7,95 milliards d’euros pour les années 2021 à 2027, doit servir à promouvoir la coopération et la collaboration transfrontalière de l’industrie de l’armement au sein de l’UE. Les développements actuels depuis février 2022 influenceront certainement aussi fortement ces plans.
La quatrième dimension – les conflits armés et le cyberespace
Le capitaine de frégate Volker Voss du commandement de soutien de la marine à Wilhelmshaven www.bundeswehr.de/de/organisation/marine/organisation/marineunterstuetzungskommando, qui dirige une équipe pour le développement du système logiciel MESE (Militärisch Erweiterbare Software-Entwicklung), et notre invité français, le lieutenant-colonel Brice Simon, qui est depuis 2020 officier de liaison avec le commandement du cyberespace et de l’information (Kdo CIR) en Allemagne www.bundeswehr.de/fr/organisation/cyber-und-informationsraum/kommando-und-organisation-cir/kommando-cyber-und-informationsraum, ont clairement expliqué que les conflits armés d’aujourd’hui ne se déroulent plus seulement dans deux, voire trois dimensions (sur terre, sur mer, dans les airs/respectivement dans l’espace). Entre-temps, une quatrième dimension est venue s’ajouter avec le cyberespace. Les forces armées sont aujourd’hui confrontées au défi de pouvoir opérer dans les quatre dimensions et dans le cadre d’une coopération multinationale.
M. Voss a ajouté que des structures ont été créées à cet effet au sein de la Bundeswehr, qui peuvent réunir la Bundeswehr et des start-ups. De même, il existe désormais un programme d’intrapreneuriat qui permet aux soldats de quitter leur affectation actuelle et de poursuivre une idée innovante. Ainsi, des développements et des innovations peuvent également voir le jour au sein de la Bundeswehr, sans devoir passer par les processus d’acquisition externes.
Cette partie de la discussion a clairement montré à tous les participants qu’en matière d’armement, il ne s’agit pas toujours de “matériel” comme les chars, les avions, les canons, etc. Le capitaine de frégate Voss a souligné que les systèmes d’armement actuels ne sont plus du tout envisageables sans logiciels et que ceux-ci jouent donc également un rôle important dans le processus d’acquisition.
Comment s’effectue l’achat ? – Le système d’achat
Le lieutenant-colonel Brice Simon a présenté le fonctionnement de la Direction générale de l’armement (DGA), qui assure depuis 60 ans les missions suivantes : planification et développement, recherche et développement, équipement des forces armées nationales, promotion de la coopération européenne et soutien à l’exportation d’armement, et qui, selon les participants, remplit sa mission de manière plutôt efficace.
Le Dr Dijon a souligné une différence importante entre l’Allemagne et la France, à savoir que les principales entreprises allemandes de l’industrie de l’armement n’ont pas d’actionnaires ou d’associés publics, contrairement aux entreprises françaises.
Le regard porté sur l’Allemagne a donné une image moins satisfaisante :
Les marchés publics souffrent de processus longs et multi-instances, sont liés aux exercices budgétaires et ont pour critère principal le prix, et non la qualité ou des considérations stratégiques. Le Dr Dijon a ajouté que dans d’autres pays, l’industrie est plutôt un partenaire, alors qu’en Allemagne, elle est parfois considérée comme un “ennemi”.
M. Evers a clairement indiqué qu’une réforme du processus actuel d’acquisition CPM était nécessaire, en particulier pour les systèmes logiciels à évolution rapide et adaptables. Il s’est montré pleinement convaincu de la coopération franco-allemande ou européenne, qui ne devrait toutefois pas se limiter au niveau économique et de la politique de défense, mais également au niveau opérationnel. Seule une armée européenne pourrait fonder un partenariat d’égal à égal avec les États-Unis et répondre aux menaces sécuritaires qui pèsent sur le monde depuis le 24 février 2022.
